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DOURDAN SOUS LES GUISES.

même désastre devait bouleverser les deux malheureuses cités (oct. 1567). Écoutons un instant le langage naïvement philosophique de notre vieil historien de Lescornay :

« Dourdan jusqu’en l’an 1567 s’estoit peu dire heureux, tant pour l’honneur qu’il auoit eu de tout temps d’estre fréquenté et aymé des rois, princes et autres grands seigneurs, que pour l’augmentation qu’il en auoit receu, si la prise du chasteau que feirent les sieurs de Montgommery et visdame de Chartres, chefs de ceux de la religion prétendue réformée, ne l’eussent difformé et mis à sac : l’insolence de ces Religionaires ne se contenta pas de piller et ruyner la ville, mais encores porta leurs mains sacrilèges jusques dans l’Église d’où ils rauirent les précieux ornements qui y estoient en grande quantité, avec l’or et l’argent et autres richesses esquelles estoient enchassez plusieurs os saincts et reliques qui furent impieusement jettez à l’abandon : ils n’oublièrent pas mesme l’estoffe des Orgues qui y estoient aussi belles qu’en aucun autre lieu de France. En ceste rencontre Dourdan experimenta à ses despens que les choses du monde ne sont gouuernées que par vicissitudes, et que les plus grandes prosperitez ne seruent que de but aux malheurs qui les abattent à la fin les reduisant comme au premier poinct de leur naissance : car en bien peu de iours il se veit despouillé de tout ce que les siècles passez et la libéralité de ses seigneurs y auoient apporté de richesse et d’ornement[1]. »

Montgommery, fils du seigneur de Lorges, autrefois usufruitier de Dourdan sous François Ier, ne ménagea pas la ville que son père avait possédée. Brave mais cruel, poussé par une sorte de fatalité qui s’attachait à sa famille, meurtrier involontaire de Henri II dans un tournois, poursuivi par la haine de Catherine, malheureux puis coupable, renégat et rebelle, il devait payer sur l’échafaud le sang qu’il avait versé.

La ville, ruinée pendant le siége opiniâtre qu’elle soutint, le fut plus encore peut-être après le siége. Rendue à discrétion au vidame de Chartres par Jean de l’Hospital, comte de Choisy, qui y commandait et qui depuis suivit le parti des huguenots, elle dut subir les horreurs du pillage.

Comme toutes les guerres de religion, la guerre de 1567 eut à Dourdan un caractère de violence féroce et de persécution fanatique. Le sac des églises, la profanation des reliques étaient œuvres pies pour ces farouches et zélés calvinistes, et Montgommery passait pour l’un des plus ardents[2]. La paroisse Saint-Germain possédait depuis longtemps, comme un précieux trésor, plusieurs ossements de la tête de saint Étienne martyr, renfermés dans un chef de vermeil. Les soldats s’emparèrent du riche reliquaire et jetèrent les reliques dans les fossés du château. Une

  1. De Lescornay, p. 162.
  2. La nouvelle de la profanation des reliques de Dourdan retentit jusqu’à Paris, et Jehan de La Fosse, ce curé ligueur que nous a fait connaître M. Ed. de Barthélemy, l’inscrivait sur son journal. — Journal d’un curé ligueur, 1865, in-18, p. 86.