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CHAPITRE VI.

devenus ennemis déclarés du trône, reparaissaient devant Dourdan, et Jean en personne, seigneur félon, s’en emparait encore, tandis que ses lieutenants prenaient Rochefort, Étampes et Auneau. Si courageuse qu’elle pût être, la résistance fut impossible[1]. Les assiégeants marchaient en vainqueurs, « conquestant villes, cités, chasteaulx, » et Jean « avoit de grans engins getans dedens la ville et contre les portes et murailles. » A peine entré, le duc de Bourgogne, pour gagner le peuple, « fit cheoir les aydes et ne payait-on aucuns subsides. » Officiers royaux et fermiers étaient ruinés ; « les gens riches pillez et desrobez, et aucuns exécutez, et les autres s’absentoient et abandonnoient tout. C’estoit grande et excessive pitié des villes où tels cas advenoient. » Hélion de Jacqueville était laissé comme gouverneur des villes prises. Le quartier général du duc fut longtemps à Chartres ; toute la contrée fut ravagée, « et vivoient ses gens sur les champs, et en fut le païs fort chargié[2]. »

Heureusement, quelques mois après, grâce à l’énergie de Barbazan et du fameux Tanneguy du Châtel, les Bourguignons se voyaient délogés et Dourdan rouvrait encore une fois ses portes aux troupes royales.

Le duc de Berry était mort. Jean mourait assassiné à son tour (1419), et son fils Philippe le Hardi, duc de Bourgogne, continuait après lui à trahir la France et à maintenir le joug odieux de l’étranger. À cette heure des grandes hontes et des grandes misères de notre patrie, le roi d’Angleterre se disait roi de France, et il l’était. Chartres était une de ses capitales et la vieille monarchie, à demi-vaincue, s’était réfugiée dans l’Orléanais, comme dans un dernier asile. C’est alors que Thomas Montagu, comte de Salisbury, récemment créé comte du Perche par le roi d’Angleterre, reçut l’ordre de marcher contre Orléans et de prendre sur son passage toutes les places qui tenaient pour le roi de France[3]. L’automne de 1428 est pour Dourdan une date néfaste. Les étrangers, vainqueurs impitoyables, se ruant tour à tour sur Bretancourt, Rochefort et toutes les villes voisines dont ils égorgeaient les habitants, arri-

  1. La garnison de Dourdan avait attiré par son audacieuse attitude ces terribles représailles, pendant que les Bourguignons, campés dans le voisinage, occupaient Chartres et les environs : « Saillirent une nuit les Armignas estans en garnison à Dourdan et à Dreux sur le point du jour, effondrèrent en ung village nommé Sours, à deux lieues près dudit lieu de Chartres, auquel village estoit logié le bastard de Thian, gouverneur de l’estandart du seigneur d’Incy… Lesquels Armignas firent moult de maux audit village et y prirent moult de gens en leurs lis, et en demoura pau que tous ne fussent pris. Et tout ce qu’en y trouva de leurs chevaulx, harnas et aultres choses, que riens n’y laisserent. Et prirent l’estandart dudit seigneur d’Incy et l’emportèrent avec eulx. » (Chronique anonyme pour le règne de Charles VI. — Monstrelet, édition Douët-d’Arcq, VI, 243.)
  2. Juvénal des Ursins, tome cité, p. 537. — Pierre de Fenin, p. 591. — Journal d’un Bourgeois de Paris, p. 648.
  3. Vély, Montfaucon, Duchesne, Histoire de Chartres, etc.