Page:Chronique d une ancienne ville royale Dourdan.djvu/61

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
47
DOURDAN SOUS LES COMTES D’ÉVREUX.

nommait des députés pour la représenter à ces États généraux, et nous y trouvons avec intérêt quelques anciens noms. Jehan Aubert, prévoust de Dourdan, et Giles de Braules, garde du scel de la prévôté, font connaître le rappel de Jehan dou Chastel, bourgeois de Dourdan, clerc, récemment désigné pour se rendre à Tours, et la nomination faite, en son lieu et place, « de l’asentement et de l’acort des bourgois de Dourdan et de tout le commun, pour la chastellerie de Dourdan, de Jehan le Roy et Robert Ermesant, bourgois de Dourdan, lais, et Monnin Lade, sergent d’ice leu, » qui devront être à Tours, « à trois semaines de Pasques, là où le Roy nostre syre sera, à oir le commandement nostre père le Pape et le Roy nostre seigneur. » Donné à Dourdan, « le lundi devant la seint Jaques et seint Phelipe, » l’an 1308[1].

En même temps, un grand scandale éclatait à la cour de France (1314). Les chroniqueurs du siècle le racontent, la honte au front. Comme Dourdan est une des principales scènes de ce drame historique, nous le retracerons ici, uniquement d’après les anciens textes et les auteurs contemporains.

Sur les marches du trône, où ils devaient tour à tour monter, se voyaient alors, grands et beaux comme leur père Philippe le Bel, trois jeunes et vaillants princes, Louis le Hutin roi de Navarre, Philippe le Long comte de Poitiers, et Charles le Bel. Tous trois avaient épousé de jeunes et charmantes princesses dont la beauté attirait tous les regards. Louis, l’aîné, s’était uni à la fille du duc de Bourgogne, Marguerite, qu’il avait faite reine de Navarre ; Philippe avait épousé la première fille du comte de Bourgogne, Jeanne ; et Charles avait obtenu la seconde, Blanche, une toute jeune enfant.

Transportées loin de leur famille, dans une cour galante ; assez peu surveillées par leurs très-jeunes époux, les trois belles-sœurs couraient grand risque. La pétulante Marguerite (regina juvencula) se lia d’étroite amitié avec la petite princesse Blanche, et toutes deux passaient ensemble de joyeuses journées en compagnie des gentils chevaliers de leur suite. Jeanne, plus sage et plus sérieuse, se tenait un peu à l’écart. Sans être tout à fait de la même cour, elle voyait bien dans la conduite de ses sœurs certaines apparences qui lui déplaisaient ; mais elle fermait les yeux, par crainte du scandale et par amour de la paix[2]. Les choses allèrent de telle sorte qu’un certain jour Marguerite et Blanche, con-

  1. Arch., J.415, 5. — Fragment de sceau sur queue de parchemin ; au dos est écrit : Villa de Dordano; une fleur de lis, au contre-scel : croix cantonnée de quatre alérions.
  2. Nos lecteurs nous sauront peut-être gré de mettre en regard de notre récit la version naïve et peu connue que nous tirons de la Chronique rimée attribuée à Geffroi de Paris, conteur du temps, espèce de récitatif ou complainte populaire :

    La fille au conte (Blanche), si avait
    Une suer (Jeanne) qui riens ne savait