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PROMENADE DANS LES DEUX CANTONS DE DOURDAN.

Et quand, après avoir recueilli la riche succession de M. des Landes, son beau-père, Chrétien voulut laisser à son fils un état de maison digne de la haute position de la famille, il commença par doubler ses aumônes avant d’augmenter son luxe. Une sage entente et une prudente économie présidèrent à la construction du beau château de Bâville. Son fils nous assure qu’il ne coûta que 45,000 livres et il ajoute : « On n’en ferait pas tant aujourd’hui pour le double. » II s’agirait maintenant de millions. On aime à se figurer le premier président Guillaume parlant avec attendrissement du temps où il vivait à Bâville avec ses sœurs, près de son père, « ne se souvenant pas de lui avoir jamais désobéi ou déplu, ou même d’avoir manqué de lui plaire, en ce qui pouvait dépendre de lui. » On aime à se représenter cette grande école de respect et ce séjour d’élite où, après avoir vu recevoir avec vénération le vertueux Jérôme Bignon, Guillaume accueillait à son tour Boileau, Racine, Regnard, et son savant maître le P. Rapin, qui se plaisaient tous à chanter dans leur immortel langage les charmes de Bâville.

Les Lamoignon du xviiie siècle remplacèrent ceux du xviie. Le nom de Malesherbes est inséparable de celui de ses pères. Bâville connut des heures de tristesse. Aujourd’hui, tout son riche et vaste domaine repose sur la tête de deux orphelins[1].

S’orientant du haut des buttes de Bâville, le lecteur voudra bien traverser à vol d’oiseau la vallée de Saint-Chéron et nous suivre de l’autre côté du versant, à Saint-Sulpice-de-Favières. Nous sommes ici sur l’ancien territoire du « diocèse de Paris, » dans une vallée étroite où court le ruisseau de Souzi, sur un pauvre sol de grès et de sable aux roches immenses qui font suite à celles de Fontainebleau, et s’exploitent de la même manière ; à la porte de cette contrée de Torfou, célèbre par ses dangereux défilés et ses brigands armés. Favières, Fabaria, Faveriæ (des fèves qu’on y cultivait, dit-on), se résume dans son église qui est un chef-d’œuvre et a mérité d’être appelée « la plus belle église de village de tout le royaume. » Bâtie dans un fond assez resserré, sur l’emplacement d’un ancien pèlerinage, au lieu où saint Sulpice guérissait des malades vers le vie siècle, elle est éclose au xiiie, comme la Sainte-Chapelle de Paris, d’une pensée de foi hardie et gracieuse. Sa forme étroite et élancée rappelle l’époque fleurie du style ogival, et son vaisseau percé à l’abside de trois rangs superposés de baies à double ogive trilobée, serait complet, sans ses verrières murées en partie, sa voûte écroulée au xviiie siècle et refaite en bardeaux, sa tour aux contreforts fleuronnés privée de clocher. Au pied de cette tour, s’avance l’ancienne chapelle des miracles, d’un style ogival primitif, que l’abbé Lebœuf voyait pleine de béquilles au xviiie siècle. A l’occident, la façade de l’édifice, datant de la moitié du xive siècle, s’offre avec ses trois portes aux fines sculptures, son tympan

  1. Enfants de M. de Saulty.