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CHAPITRE XXV.

Dans ce petit cabinet de Grillon, où Regnard avait travaillé, en face des vieilles tours de Dourdan et des harmonieux horizons de notre vallée, il termina ses traductions de la Jérusalem du Tasse, de l’Illiade et de l’Odyssée. De loin, il correspondait avec Necker, suivait les réformes financières et applaudissait à la création des assemblées provinciales. C’est auprès du jeune et déjà austère publiciste, qui était venu demander à ses silencieuses prairies le repos de l’étude, que Dourdan allait trouver un représentant de talent aux assemblées du pays. C’est à Dourdan, où il cherchait l’oubli, que le futur homme d’État recevait le mandat politique qui le jetait sur un théâtre d’où il ne devait plus descendre.

À la veille de l’orage où tout allait être emporté, le bien comme le mal, un indicible élan de bonne volonté sincère de la part des gouvernants, et une coopération zélée de la part d’une foule d’hommes d’élite, purent faire croire, pendant quelques mois, à une révolution régulière et à l’avénement pacifique de la liberté. Les beaux édits de Louis XVI, qui avaient ramené une prospérité depuis longtemps inconnue, en favorisant l’agriculture, venaient d’être couronnés par celui de 1787, créant les assemblées provinciales, c’est-à-dire appelant toutes les intelligences du pays au travail de la réforme, au perfectionnement des institutions, à la représentation des intérêts et des besoins locaux. L’Orléanais, dont Dourdan faisait partie, eut son assemblée. Les douze élections de la généralité, groupées deux à deux, composèrent six districts. L’élection de Dourdan, unie à celle de Chartres, forma le second. Dans cette assemblée que présidait l’évêque de Chartres, M. de Lubersac, où siégeaient le duc de Luxembourg, le fameux chimiste Lavoisier, l’abbé Sieyès et l’abbé Louis, de belles mesures furent discutées et préparées : création d’une caisse d’épargne pour le peuple, abolition de tous les règlements qui gênaient encore la liberté du travail, projet d’une caisse d’assurances mutuelles pour les récoltes, etc. Une commission intermédiaire siégeait presque en permanence, et, du 23 décembre 1787 au 13 septembre 1790, tint jusqu’à trois cent trente-trois séances[1].

Sous l’assemblée provinciale, il y eut des assemblées de district. M. Lebrun fut appelé à celle de Chartres-Dourdan. « Je trouvai là, dit-il, l’abbé Sieyès, grand vicaire politique de l’évêque de Chartres ; je ne le connaissais pas, son nom même n’était pas parvenu jusque dans ma solitude. L’évêque me vanta son esprit et ses talents. Il m’arriva de le contredire, je ne sais sur quoi, il m’en parut affligé et je crois que depuis ce moment il conçut une assez mauvaise opinion de moi et de mes principes. » Cette entrevue à l’assemblée de Dourdan des deux futurs consuls est assez curieuse.

Il y avait là, du moins on le croyait, toute une révolution heureuse :

  1. Les Assemblées provinciales sous Louis XVI, par M. Léonce de Lavergne.