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CHAPITRE XXIV.

lièrement diminué les profits des fabricants de Dourdan. L’arrêt du conseil du 25 mars 1754, autorisant indistinctement le transport des métiers dans toutes les villes du royaume, précipita la décadence. Dès 1745, sur les 30 maîtres il n’y avait plus que 12 marchands dont 4 seulement faisaient un commerce étendu. Les autres n’avaient que deux ou quatre métiers à laine, et plusieurs, quoique maîtres, se faisaient simples ouvriers et travaillaient pour les marchands. La soie se mit à renchérir d’une manière prodigieuse. En 1752, le subdélégué de Dourdan envoyait à l’intendant, qui l’en avait prié, trois paires de bas admirablement réussis, mais coûtant ensemble 52 livres 10 s. Les marchands diminuaient le nombre de leurs métiers et le salaire des artisans, car « au bureau de Paris » on n’augmentait pas les prix. Le pauvre peuple luttait avec désespoir et cherchait à soutenir la concurrence par le tricot à l’aiguille, dont le commerce était libre, si bien que la communauté jalouse s’en émut et demanda la réunion des deux commerces, comme à Orléans et à Paris. Le nombre des métiers, qui était encore de 100 en 1758, était tombé à 20 en 1772[1]. On n’entretenait plus alors cette fabrique expirante qu’en faveur de quelques anciens ouvriers chargés de famille qui, sans ce genre de travail, eussent été forcés de s’expatrier, comme le plus grand nombre l’avait fait. L’ancienne industrie finit par subsister à peu près seule et le travail à la main conserva quelque temps encore la vogue attachée au nom de Dourdan[2].

La révolution fit disparaître jusqu’aux traces de la « communauté » des fabricants de bas de Dourdan. Une heureuse circonstance s’est ren-

  1. Il était de 47 métiers à laine en 1768, et voici comment le rôle tarifé calculait alors leur mince produit : « Chaque métier peut faire par semaine 5 paires de bas de laine, soit par an 24 douzaines. Chaque douzaine revient à 30 l. et se vend 33 l. à Paris au bureau des bonnetiers. Le profit net n’est guère que de 50 sols, soit un produit annuel de 60 l. par métier. Chaque métier porte en conséquence 1 l. 10 s. de taille.

    À l’égard des ouvriers, la taille est proportionnée à leurs forces depuis 3 paires de bas jusqu’à 8 par semaine, dont ils ont 10 s. de façon l’un dans l’autre. On les a distingués en trois classes : de 50 l. de gain et 1 l. de taille ; 100 l. de gain et 1 l. 10 s. de taille ; 150 l. de gain et 2 l. 10 s. de taille. Même règle pour les métiers à soie, pour les fouleurs, teinturiers, etc. — Quant au tricot à la main, il est d’un objet plus important dans la contrée que le travail au métier. »

  2. La réclame de l’almanach d’Orléans pour 1783 est assez instructive : « Dourdan est, dit-on, le seul endroit du royaume où tous les ouvrages qui le concernent sont traités à l’aiguille. Ils sont exécutés soit en laine, en fil et en soie, dans toutes grandeurs, façons et tous degrés de finesse désirables. On y fabrique aussi au métier. — On y fait à l’aiguille des bas de laine et de fil unis et à côtes, ordinaires, fins, et très-fins ; bas de soie ordinaires, fins et très-fins, unis, à côtes, à quadrille et à côtes guillochées ; gants, mitaines de soie unies et à jour; grands et petits mitons. — On y fait aussi des bas de soie au métier ainsi que des bas de laine de toutes qualités, plus estimés et moins chers que les bas de Paris. — Les principaux marchands en gros pour cette fabrique, dont le commerce s’étend jusqu’aux provinces les plus éloignées, sont : MM. Lefort-Adam, Lefort-Latour, Lambert-Lonchamp. »