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LES PRISONS.

Les autres accusés, condamnés à diverses peines, furent dispersés. Confiscation avait été prononcée contre les victimes en faveur du duc d’Orléans « seigneur apanagiste de ladite ville de Dourdan. » La justice croyait avoir consciencieusement rempli sa tâche. M. Roger, épuisé de fatigue, était prié de donner sa note des frais de procédure, de voyages, d’instruction, etc. Son addition de trois pages se terminait par ce modeste total : « des lettres de noblesse. » La cour le remplaça par des chiffres et envoya de l’argent.

Si, malgré notre répugnance, nous avons insisté sur ce triste sujet, c’est que, possédant des détails authentiques, nous avons vu quelque intérêt à faire connaître un des derniers procès de l’ancienne justice, une des dernières applications d’un système pénal depuis longtemps odieux à la société française et peu de temps après modifié par l’abolition de la torture.

La bande d’Orgères. — C’est pour mémoire seulement que nous rappelons ici cette illustre société de bandits, qui n’est pas autre chose que celle de Renard continuée et reformée par ses successeurs, mais dont le rendez-vous n’est plus précisément Dourdan. Après le supplice de Renard, la bande émigra dans la forêt de Montargis en chantant : « Dedans Dourdan ils sont méchants… » Les crimes atroces recommencèrent, et le fameux Robillard, le nouveau chef, pris et condamné par jugement prévôtal de Montargis, paya sa dette envers la justice le 13 septembre 1783 avec soixante-dix de ses compagnons qui se partagèrent la roue, le gibet et les galères. La bande n’était pas détruite ; Fleur-d’Épine, issu de Renard, la reconstitua plus terrible que jamais. Ces parias du crime, avec leurs mœurs étranges, leur code barbare, leurs mariages sommaires, leurs rites immondes et leurs parodies sociales, s’étaient cantonnés dans les bois de Saint-Escobille et exploitaient les vastes espaces et les hameaux écartés de la Beauce. Connus et redoutés sous le nom de « chauffeurs, » parce qu’ils brûlaient lentement les pieds de leurs victimes pour obtenir des révélations de trésors, ils ne s’inquiétaient pas si la révolution avait changé les bases de la société, et, terroristes indépendants, ils suivaient la fortune du Rouge d’Auneau et de ses satellites. Le siècle, en commençant, finit leur histoire, et le 12 vendémiaire an IX (30 octobre 1800) la guillotine de Chartres dévora coup sur coup les vingt et une têtes des derniers chefs. Ces brigands du siècle passé sont déjà légendaires, et le roman s’est emparé de cette chronique sinistre dont Dourdan peut fournir le premier et le plus émouvant chapitre[1].

Prison départementale (1791). — Converti en maison de détention, le château de Dourdan garda cette triste destination pendant près de trente

  1. Hist. des brigands d’Orgères, par Leclair. Chartres, in-12, brumaire an VIII. — Hist. de la bande d’Orgères, par Coudray-Maunier. Chartres, 1858, in-16. — Roman d’Élie Berthet, etc.