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DOURDAN SOUS LES PREMIERS CAPÉTIENS.

et d’Herbert (comte de Troyes), est venu trouver le duc au lieu qu’on nomme Dourdan. Revenez sans aucun délai[1]. » La chose était grave : « res enim sunt grandes. » (Epistola cxx.) L’entrevue de Hugues avec l’évêque de Laon pouvait avoir une immense portée. En effet, autour de la ville de Laon, siége principal de la royauté, s’agitaient les ambitions rivales. L’année d’après, Hugues, sacré roi, devait perdre cette cité, puis la reprendre par la complicité de l’évêque et y faire prisonnier son antagoniste vaincu.

C’est ainsi qu’en peu de temps le nom de Dourdan est enregistré deux fois dans l’histoire des origines de la grande famille des Capétiens.

Le village de Dourdan, villa Dordinga, domaine particulier du duc de France, devint terre de la couronne, villa regia, regium municipium[2]. Municipe dans les deux sens de lieu fortifié et de ville de simple bourgeoisie, Dourdan appartenait à cette zone centrale demeurée intermédiaire entre les régions du consulat au midi et de la commune au nord. Conservant, comme les municipes non réformés, sa constitution antérieure plus ou moins libre, plus ou moins démocratique, Dourdan était une de ces villes qui jouissaient des libertés civiles et de quelques droits administratifs restreints et dépendants de ceux de la royauté, mais qui s’en contentaient parce qu’elles se trouvaient suffisamment protégées contre les empiétements de la féodalité par l’attitude et l’intérêt même du souverain. Aussi verrons-nous Dourdan échapper à la propagande réformatrice du xiie siècle et au mouvement communal. Ses citoyens ne demanderont aucune de ces franchises qui tenteront pour un instant seulement ceux d’Orléans et d’Étampes ; et son meilleur privilége sera celui d’être conservé, revendiqué, au besoin reconquis ou racheté par le trône comme un bien de famille.

Dourdan avait un château, et de la tour de ce château relevaient toutes les terres voisines. À cause de ce château aussi, à ce que nous apprend Brussel[3], Dourdan sera, avec Paris, Poissy, Mantes, Senlis, Étampes, Melun, Villeneuve près Sens, etc., une des prévôtés privilégiées de France qui ne payeront rien à la sénéchaussée. Quand le grand sénéchal viendra chaque année tenir dans la ville son assise ou grand jour, c’est dans le château du roi son maître qu’il prendra son logement et ses livrées[4], sans rien demander aux habitants. Quand le roi viendra, la ville ne lui devra aucun droit de gîte ; le roi descendra dans sa propre maison, dans son patrimoine.

  1. « Laudunensis episcopus, consilio Ottonis et Heriberti sibi faventium, ducem adiit eo loci quem dicunt Dordingum. Redite, mora sit nulla. » (Gerberti Epistola, xciv. — Dans la collection de Duchesne et dans D. Bouquet ; citée en partie dans le Notitia Galliarum de Hadr. de Valois. Paris, 1675.)
  2. « Apud Dordinchum quod regium municipium est. » (Chron. de Morigny, vers 1147 ; Bouquet, t. XII, p. 71. Cité par Hadr. de Valois.)
  3. Brussel. Usage des fiefs, t. 1, p. 511.
  4. Ou fournitures. — Voyez dans Du Cange, libragium, liberare.