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CHAPITRE XX.

rue de la Haute-Foulerie. Elles étaient très-pauvres encore plus simples, vivant du modique produit du travail de leurs mains et d’un pensionnat qui ne pouvait être bien étendu vu l’exiguïté de leur demeure. Pourtant elles faisaient encore l’aumône, et quand leur tâche du jour était finie, elles allaient secrètement visiter et consoler les pauvres malades et leur porter leurs épargnes. Pendant vingt ans, elles accomplirent cette mission avec le même dévouement et la même pauvreté, formant sans bruit une génération nouvelle par leur enseignement et leur exemple[1].

Vers 1678, venait quelquefois à Dourdan ou plutôt à Sainte-Mesme, à la suite de la princesse Marguerite-Louise d’Orléans, grande duchesse de Toscane, une jeune, belle et vertueuse dame nommée Claude Bourion, veuve, avant trente ans, de sieur François Servin, premier chirurgien de feu Gaston, duc d’Orléans. Profondément touchée des mérites et du dévouement des pauvres filles, elle se sentit irrésistiblement attirée vers elles et leur offrit de partager leur œuvre et de leur donner une règle. On sait qu’il n’était pas rare alors de voir des femmes de qualité renoncer au monde et se faire fondatrices de maisons religieuses. Pour ne citer qu’un seul nom, nous rappellerons celui de Madame de Miramion. Madame Servin, devenue supérieure des sœurs de la rue Haute-Foulerie, ne songea plus qu’à étendre l’humble maison près de l’église, évidemment trop restreinte. Elle se rendit à Blois, vendit le riche mobilier et tous les biens qu’elle tenait de la libéralité de la maison d’Orléans, et, de retour à Dourdan, acheta, par contrat passé devant Isaac Rousseau, le 20 juillet 1693, de Paul de la Barre, seigneur de Groslieu, un grand corps de bâtiment avec plusieurs dépendances et un jardin, situé au bas de la rue d’Authon. Dès le mois d’octobre de la même année, la communauté s’y installa et son établissement fut entouré de toutes les formes civiles et religieuses requises pour la création d’un ordre nouveau. Approuvée solennellement par l’évêque de Chartres, le pieux et savant Godet des Marais (1er  déc. 1696), par le duc d’Orléans (20 nov. 1697), la maison des Sœurs de l’Instruction chrétienne obtint du roi Louis XIV, par lettres patentes datées de Versailles, juillet 1697[2], tous droits de

  1. Les noms de ces dignes filles ont été conservés à la reconnaissance des Dourdanais par les lettres patentes de Louis XIV ; nous ne les omettrons point ici : Perine Rousseau, Claude Le Longe, Marguerite Bédier, Elisabeth Loreille, Marie Pinguenet, Anne Rossignol, Catherine Duperray.
  2. Enregistrées au parlement, le 24 janv. 1699. — Par arrêt du 2 septembre 1698, il avait été préalablement fait une enquête auprès des officiers et habitants de Dourdan pour avoir leur consentement, et il est assez curieux de lire leur avis. Tous sont d’accord sur la grande utilité de l’institution, mais onze notables sur vingt voudraient limiter le droit d’acquisition des nouvelles sœurs au quadrilatère qu’elles occupent, « attendu le peu d’étendue de la ville et le grand nombre d’habitants qui y résident. » Ils réclament l’immixtion administrative des autorités locales, et surtout veulent être assurés contre le monopole de l’enseignement. Le parlement, par une clause addi-