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LE CHÂTEAU.

Du bord de la rivière qui baignait ses murailles, la ville montait en amphithéâtre jusqu’aux fossés du château, et, de sa tourelle, le châtelain élevé au-dessus des toitures des rues basses, avait pour premier plan un pêle-mêle étrange de combles aigus et de pignons inégaux déchirant bizarrement l’horizon.

Sully, qui, après de Sancy, posséda Dourdan, rendit, comme on sait, le donjon inutile au point de vue de la défense en le rattachant par une terrasse au sol de la cour : travail qui employa à la fois la terre des retranchements du capitaine Jacques et les bras d’une population mourant de faim.

Le hasard amena Louis XIII à Dourdan : l’agrément du lieu l’y retint, et pendant plusieurs années le château retrouva, par intervalle, une animation et une faveur qu’il ne connaissait plus. Piqueurs, meutes, pages et mousquetaires revenaient, chaque fois, avec le jeune monarque, qui se plaisait aux chasses, aux curées le soir dans la cour, aux parades, aux parties de paume. Le bâtiment de M. de Sancy offrit une hospitalité modeste à une cour tant soit peu enfantine et aux commensaux du roi qu’égayait le brave gouverneur du château de Dourdan, M. de Bautru, ou que distrayaient les audiences improvisées par Louis le Juste en faveur de quelques pauvres diables. Marie de Médicis, dame de Dourdan, y attirait volontiers son fils et faisait à ses frais réparer et recouvrir les deux tours qui flanquent l’entrée, et construire, sur la place, pour les mousquetaires, un petit corps de garde adossé au fossé, à gauche du pont.

Le xviie siècle n’était encore qu’à moitié, et les séjours de Louis XIII, et le souvenir des relevailles d’Anne d’Autriche, et tout ce passager éclat étaient déjà bien loin. Les troubles de la Fronde, la guerre de 1652, avaient fait de nouveau armer les forteresses, et le château de Dourdan, comme un de ces invalides qui redeviennent soldats à l’heure du péril, menacé un instant par les combattants d’Étampes, recevait de Corbeil de la poudre et des munitions qu’on enfermait dans ses tours. Le bruit de la guerre s’éloigna. Le silence se fit pour le château de Dourdan, silence de tristesse et d’oubli. Dédaigné du <span id="Louis XIV 241" title="Ancre:Louis XIV 241" class="HighlightedAnchor">grand roi, dépouillé par ses propres gouverneurs, il cessa d’être entretenu, et ses bâtiments demeurèrent à l’abandon. On n’y voyait pas d’autres êtres vivants que le concierge et les deux vieilles demoiselles filles du sieur Récard de Saint-Martin, ancien gruyer ou garde-marteau de la forêt, auxquelles on avait accordé un petit logement où elles se trouvaient près de l’église qu’elles ne quittaient guère. Du reste, c’est encore à un « état de lieux », découvert par nous dans de vieux papiers, que nous empruntons le tableau exact de cette décadence.

Le prince de Rohan-Guéménée ayant été pourvu du gouvernement du château et déléguant la lieutenance à Jean de Lescornay, sieur de For-

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