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CHAPITRE X.

1590). Paris allait se rendre. « Les ducs de Mayenne et de Parme, dit Palma-Cayet, étant venus à bout de desgager Paris, arrachèrent des mains du roy ceste ville, qui dans quatre jours au plus tard se fust rendue à luy par l’extrême famine qui estoit dedans. Aussi tost que le roy eut retiré son infanterie des faux-bourgs de Paris du costé de l’Université, qui fut le 30e d’août, le capitaine Jacques Ferrarois, qui commandoit dans Dourdan pour l’Union, fut le premier qui le lendemain matin amena à Paris, par la porte Saint-Jacques, une grande quantité de vivres. Quatre jours après, il y arriva encore mille charettes pleines de bled qui furent amenées de devers Chartres[1]. »

Paris avait du pain et pouvait tenir longtemps. Pour cette fois encore Henri IV dut céder. À Dourdan, comme à Chartres, l’allégresse éclata et l’on chanta des Te Deum « pour rendre grâces à Dieu de la belle délivrance de Paris. » On ne songea plus qu’à coopérer au ravitaillement de la capitale épuisée et on ne trouva pas de meilleur moyen, pour se procurer de l’argent et du blé, que de saisir les revenus et de vendre les biens meubles et immeubles des propriétaires soupçonnés de royalisme. Mais ces convois de grains n’étaient pas sans danger, le 23 novembre des rôdeurs ennemis en assaillirent un près d’Auneau. Le bruit d’une attaque prochaine courait dans toute la contrée. On se préparait à la lutte, et on avait raison : le maréchal de Biron, traversant subitement les plaines de la Beauce, investissait Chartres le 10 février (1591) avec des forces considérables et, le 15, Henri IV en personne apparaissait avec tout son état-major.

La résistance de cette héroïque cité, où La Bourdaisière commandait, fut longue et terrible[2]. Assauts, brèches, feu d’une formidable artillerie, mines et contre-mines tout fut tenté, mais tout avait encore échoué le 11 mars, et le roi, malade d’impatience dans uneauberge du grand-faubourg, jurait de faire payer cher aux Chartrains la poudre qu’ils le forçaient à brûler. Chartres cependant, aux abois, avait demandé du secours aux villes ligueuses ses voisines[3] et tandis que, par crainte, la plupart le lui refusaient ou le lui faisaient attendre, Dourdan marchait sans hésiter, et le capitaine Jacques, arrivant le 12 avec ses gens, aidait les Chartrains à continuer cette lutte qui devait jusqu’au 10 avril tenir la France dans l’attente et l’admiration. A Dourdan, les esprits étaient agités, le clergé en offices continuels, le peuple en prières pour le triomphe des braves assiégés. L’émotion redoubla quand un courrier vint annoncer la reddition de la place et l’entrée de Henri IV

  1. Palma Cayet. — Collect. Michaut, p. 247.
  2. Voir, pour tous les détails de ce siége mémorable, le très-intéressant chapitre que lui a consacré M. de Lépinois dans son excellente Histoire de Chartres (ch. xxi, t. II).
  3. État des dépenses faites pendant le siége et compte de Michel Bachelier. (Arch. de la mairie de Chartres.)