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cela pouvait être naturel pour une race et non pour une autre ? songeait-il parfois. Mais alors à quoi bon le travail, l’énergie, la ténacité, les études, toutes les qualités si ardemment prêchées dans les livres et ailleurs, si l’on peut se choisir une voie sans être exposé à se buter sur quelque obstacle irréductible disposé par la nature elle-même ?

Sans cependant se préoccuper de résoudre ce problème, ni même penser à se mettre en état d’y faire face plus tard, Yves avait été merveilleusement servi par le hasard, au début de ses études. Car ce fut bien le hasard seul qui l’amena, — lui qui croyait ne rouler que des goûts pour l’industrie ou le commerce — à commencer son instruction et sa formation intellectuelle au sein du vieux collège classique de Saint-Hyacinthe. Ne considérant que le voisinage rapproché de cette maison, ainsi que la commodité du trajet, le père de Beaumont y avait naturellement conduit son fils sans aucunement tenir compte des autres conditions.

Et ce fut presque gaiment que, un bon mardi de septembre, le vieux de Beaumont attela Rougeaud, hissa et ficela avec soin une malle de Yves sur l’arrière de la voiture et partit avec lui pour le collège. Il n’avait pas prévu, par exemple, que la séparation lui serait là-bas aussi pénible et qu’il lui faudrait un tel effort d’arrachement pour descendre le haut perron de pierres au sommet duquel il voyait son enfant se tordre dans les larmes, abandonné. Et au retour, au petit trot de son cheval, lorsqu’il se disposait distraitement à admirer quelque magnifique