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Dans les sillons creusés par la charrue,
Quand vient le temps je jette à large main
Le pur froment qui pousse en herbe drue :
L’épi bientôt va sortir de ce grain.


Tout à coup la voix s’était tue.

… L’endormement de la nature était tel à ce moment qu’on n’entendait plus que le bruissement des feuilles mortes agitées par un reste de brise, et, dans les champs, que le cliquetis des boucles et des anneaux de fer des harnais secoués par la pesante allure des attelages de labour qui s’en revenaient.

Au logis des de Beaumont, le père, voyant que Yves s’attardait, avait préparé la litière, rempli les auges, distribué d’avance les rations d’avoine :

— « Yves va faire une rude journée… Je suis sûr qu’il s’obstine à terminer sa « pièce », » avait-il dit à Marcelle.

… Au bout d’un temps, avec un accent assourdi et comme gêné de rompre de nouveau le mystérieux silence qui planait sur les choses, la voix reprit plus bas. Elle venait maintenant de tout près, du coteau que dissimulaient les granges de la ferme :


Et si parfois, la grêle ou la tempête,
Sur ma moisson s’abat comme un fléau,
Contre le ciel, loin de lever la tête,
Le front courbé ..........


— « Hue donc, Rougeaud ! hue… » commanda Yves, en débouchant en même temps que l’attelage dans la cour de l’écurie.

Et l’on n’entendit plus rien.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

C’était Yves qui chantait.