Page:Choquette - La Terre, 1916.djvu/277

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 280 —

ple d’une hauteur d’âme presque inaccessible… Oh ! je saisis maintenant toute la trame attendrissante et généreuse de ta vie… Tu te sacrifiais pour moi, pour la dignité de notre nom… C’est presque barbare ce que je vais te dire, alors que je te vois là, écrasée par la souffrance, mais pourtant, c’est vrai qu’à travers ma propre douleur quelque chose de suave me réjouit et m’exalte : savoir que la fierté de ta conscience a crié plus fort que ton amour. Ah ! les fictions des livres, tu ne les inventes pas, toi, tu les vis… Soit ! je n’hésiterai pas non plus et j’accepte ton généreux sacrifice. J’irai reprendre aux de Beaumont l’imprudente parole que j’avais donnée. Je dévoilerai tout, selon que me le dicte ma droiture de père et de médecin, quitte à vider ensemble, jusqu’à la lie, le calice que j’aurai déversé.

Sentant que c’était bien là l’immolation définitive, Jacqueline s’était redressée avec une figure d’indicible détresse. Ses lèvres frémirent pour une imploration quelconque, mais ne pouvant se résoudre à la formuler, elle s’était de nouveau effondrée sur les genoux de son père.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

C’est fort un homme que sa conscience commande… Ses larmes, il les essuiera du revers de sa main comme une souillure. Il contraindra son cœur à battre à son gré. Les décombres de son foyer, même s’ils lui barrent la route, ne l’arrêteront pas… Il enjambera par dessus, mais il ira. Et c’est bien ainsi que le docteur Duvert s’en allait maintenant, presque redevenu calme, avec une soudaine clarté en lui qui