Page:Choquette - La Terre, 1916.djvu/240

Cette page a été validée par deux contributeurs.

à la conversation, et le pauvre vieux mordait en effet, fier de s’épancher à fond.

— « Tout le monde est bon pour nous dans cette maison… On se croirait de la famille… Si tu avais une sœur, je crois qu’elle ne me serait pas plus chère que cette petite Jacqueline… Lui-même, le docteur, s’intéresse jusqu’à nos moissons. « Votre récolte sera bonne » m’a-t-il crié, en manière de salutation amicale, l’autre jour, en passant… C’est qu’il a l’âme rurale et qu’il descend comme nous d’une lignée de semeurs de blé… Ah ! ce n’est pas dans cette famille qu’on voudrait rougir de la terre ou de ceux qui l’ensemencent… Tu ne dis rien, toi ?… »

Yves ne disait rien, en effet, mais seulement d’entendre son père rappeler la fière admiration que les Duvert entretenaient pour la vie des champs, il sentait en lui-même que les liens qui l’attachaient à la terre se resserraient de plus en plus fortement.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Un matin, en tapinois, comme pour une ruse d’écolier, Yves s’était levé le premier.

Le grand calme serein de la nature et le soleil, qui déjà commençait à discrètement traîner son lumineux pinceau sur le sommet des choses, l’avaient inondé et comme attiré. Puis il y avait aussi le champ de javelles — que, le soir précédent, il avait laissées toutes couchées les unes auprès des autres, offrant ainsi l’image du moutonnement des vagues du Richelieu — qu’il lui tendait de mettre en meules, avant que le soleil ne dardât trop vivement les épaules.

Sans éveiller Marcelle, il avait en silence préparé