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donner encore abondamment, mais dont la fécondité, demeurait évidente. Puis il l’avait conduit dans les parcs verdoyants, parmi les chevaux de labours, au milieu des vaches laitières qui lourdes de lait ruminaient en clignotant de leurs grands yeux vagues.

Du point élevé qu’ils avaient atteint à ce moment, la vue s’étendait sur le Richelieu, embrassait les plaines endormies de Belœil et de Saint-Basile. Yves reconnut les hautes cheminées de la Poudrerie qui se découpaient sur l’horizon et dont la fumée fuyait en flocons noirâtres. Repris par ses illusions éteintes, il demanda au bout d’un temps :

— « Je serais bien curieux de savoir qui me remplace aujourd’hui dans la direction du laboratoire ? »

Sans répondre, le père Beaumont avait simplement ébauché un geste indifférent, suivi d’une contraction rapide de lèvres qui voulait à peu près dire : « À quoi cela te servirait-il ? Tu as bon cœur de te préoccuper encore du passé. »

Puis zigzaguant à travers les arbres, se courbant sous les branches abaissées des pommiers, ils étaient redescendus en longeant les vergers. Tantôt c’étaient des champs de blé d’Inde, tantôt des carrés de choux ou de patates qu’ils traversaient, mais partout une joyeuse et bourdonnante rumeur montait du sol généreux dont la fécondité s’exhalait par chaque tige.

— « Hein ! penses-tu, Yves, combien elle a peu de rancune, la vieille terre de chez nous », répétait le père Beaumont avec ravissement.

Et après un brusque détour à l’angle du jardin, le toit familial lui-même, encore embué des vapeurs