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en reconnaissant le vieux cheval, immobile dans la cour de la gare.

Ils s’étaient tous deux installés dans la voiture et le père de Beaumont avait aussitôt fait claquer son fouet pour commander le départ.

C’est vrai que cette année de camp, de marches forcées et de grand air, avait produit un changement physique notable chez Yves. Son teint bruni, son visage durci par l’effort, donnaient maintenant à sa personne entière une plus mâle allure. Il semblait aussi avoir retenu de son habitude de scruter les mouvements lointains de l’ennemi, et d’y faire face avec décision et élan, quelque chose de plus résolu qui le transformait. Ses mains pareillement, quoique toujours élégantes et souples, avaient acquis je ne sais quoi de rudesse nerveuse et ferme dans le maniement des durs outils de guerre et dans le creusement précipité des tranchées.

C’était toute l’énergique prestance de Lucas, — tel qu’il apparaissait dans ses champs — que Yves rappelait tout à coup.

Le père Beaumont avait eu le temps de faire déjà cette constatation.

Il continuait de l’examiner avec admiration.

— « Cela ne te coûtera pas au moins de quitter ton uniforme ? »

— « Loin de là, vieux père… Il aurait si peu d’à propos d’ailleurs, sur les bords du Richelieu… Oh, mais il y avait d’autres genres de vêtements aussi là-bas. Souvent vous auriez cru reconnaître de vos