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les coups du Destin… Leur brutalité te déroute ?… Ne t’ai-je pas toujours soutenu, petite, que les histoires truquées et menteuses des livres préparaient mal aux histoires de la vie ?… Tu commences tout simplement à voir l’envers des plans et des romans de « Bibliothèque rose » dont tu m’exposais toi-même si ingénûment la trame, il y a à peine quelque temps… Te rappelles-tu ? »

— « Non, je ne me rappelle rien ; je ne veux plus rien me rappeler, » murmura Jacqueline avec un sourire contraint.

— « Pourquoi dis-tu que nous leur portons malheur ?… D’où te vient cette singulière réflexion ? »

Elle resta hésitante, cherchant très vite dans ses idées confuses une réponse propre à travestir le sens vrai des paroles qui venaient de lui échapper.

— « Vois donc : si tu n’eusses pas été absent… tu te serais rendu à l’appel de Lucas… tu lui aurais peut-être encore sauvé son petit Gérard ?… Rien ne serait alors arrivé… »

D’un assentiment de la tête, le docteur Duvert avait paru lui donner raison.

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Yves était en effet arrivé de la veille.

Depuis déjà plusieurs jours, le père de Beaumont guettait le courrier quotidien, se tenait à l’affût des nouvelles. Il avait vu par les journaux que le « Sardinian » qui lui ramenait son fils en même temps qu’un groupe considérable d’autres jeunes volontaires canadiens, avait été finalement signalé.

— « Le navire est entré dans le golfe » annonça-t-il