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Assis l’un près de l’autre, Marcelle et lui, ils l’écoutaient avec intérêt tous deux. Oh ! de celui-là, de Yves, ils en pouvaient parler à l’aise au moins, prononcer son nom sans trop de serrement de cœur… il reviendrait peut-être… Mais de l’autre, Lucas, traqué ou enfoui ils ne savaient où, perdu à jamais pour le sol natal, ils n’osaient pas, ils n’auraient pas pu, quoiqu’ils en sentissent le pesant souvenir les poursuivre à chaque mot.

Et c’est ainsi que souvent des entretiens, qui allaient inopinément réveiller dans leurs esprits des pensées trop amères, s’interrompaient brusquement, mouraient sur les lèvres, avec la tombée inattendue de larmes silencieuses.

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Un jour cependant, Jacqueline trouva le père de Beaumont tout épanoui.

Il tenait à la main une lettre qu’il venait de rapporter du village et qu’on lui avait remise au bureau de poste, après la messe. Il achevait de la déchiffrer. Il lisait à mi-voix pendant que Marcelle, debout tout près, suivait des yeux le manuscrit pardessus son épaule.

Et comme elle était de Yves, cette lettre, Jacqueline, en reconnaissant les timbres-poste exotiques, avait éprouvé un tressaillement subit.

Suspendant aussitôt la lecture des quelques lignes qui restaient, le vieux de Beaumont s’empressa de lui jeter joyeusement ; — « C’est Yves qui s’en revient, vous savez, mademoiselle Jacqueline. »