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qui nous enveloppe ? Où en puiser le souffle ?… Rien d’étonnant, va, à ce que chacun ait échoué et que ma Jacqueline, après tant d’autres, ne puisse dépasser le domaine du mythe. »

Il reprit au bout d’un moment : « Ah ! comme tout se ressemble bien, dans la vie des peuples comme dans la vie des individus. Pareillement chez les deux, à la période d’enfance, on ne trouve, dans le champ de la fiction, que du fantastique : fées ou déesses. Cela commence toujours par « Il était une fois une belle princesse… » Tu te souviens ?… C’est que la matière première, les éléments réels d’inspiration font défaut. Mais c’est vrai par contre que les idées se sèment, se multiplient, s’acclimatent, et opèrent en somme un peu comme les cultures de bouillon de nos laboratoires. Au début, ces idées ne valent que pour enfanter des contes, des fables ou des légendes naïves, puis, une fois développées et fortifiées par les mille évènements qui remplissent la succession constante des siècles, elles s’affinent et parviennent à fournir la pâte essentielle à la création d’œuvres de fiction si puissantes, si près de la vie, que c’est presque de l’histoire », a-t-on proclamé avec justesse ; mais il importe d’ajouter en regard de cet aphorisme que là où il n’y a pas d’histoire, il n’y a point d’art non plus.

S’apercevant soudain qu’il s’égarait dans un métaphysique insaisissable pour un cerveau de vingt ans, il fit en souriant machine en arrière :

— « Comment, Jacqueline, tu me laisses ainsi m’em-