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Claude Paysan

des mots déformés et parfois rendus méconnaissables par les années, et applaudissaient à la fin avec enthousiasme.

Pendant ce temps-là, quelques tout jeunes gens, déjà affamés, la tête joliment en feu par les petits verres répétés de cidre et de vin, croquaient à belles dents les tartines, les morceaux de pâté chipés des armoires et reprenaient les refrains la bouche pleine, se moquant entre eux de leurs naïves bouffonneries.

Ensuite, avant minuit — il fallait se hâter, à cause du carême, le lendemain — ce fut le réveillon vrai. Des amas de brioches dorées, de tartes, de pots de. confitures, s’entassaient sur les tables, pêle-mêle avec les saucisses, les tourtes, les viandes rôties de toutes espèces. Et il n’y en avait vraiment pas trop. Tous ces estomacs, creusés par les liqueurs et les incessantes sauteries de la soirée, absorbaient sans cesse, dévoraient, ne s’emplissaient plus. Les filles, les petites sucrées elles-mêmes, ne savaient plus se retenir de manger, honteuses…

À la fin, les violons reposés attaquèrent un nouvel air pour la dernière danse, une ronde rapide et enlevante de mardi-gras.

Bientôt minuit… Ils se dépêchaient, se bousculaient tous, se choisissant des compagnes au hasard, pour commencer tout de suite la danse, car une fois commencée il n’y avait plus de mal à la finir le mercredi des cendres. Alors ce furent des cris, des appels de ralliement, des très vieilles mères que l’on poussait avec des rires dans les bras de vieux encore gaillards qui acceptaient. Puis comme une houle