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Claude Paysan

… Ce fut alors que ses yeux s’étaient mouillés et qu’il en était tombé de grosses larmes.

Son regard restait toujours profondément plongé sous terre, fixement. C’est qu’elle se représentait en même temps un autre Claude, qui était aussi à elle et qui aimait à son tour.

Elle s’imaginait toute l’angoisse et les tortures sans nombre qui devaient l’oppresser, celui-là… Car, mon Dieu ! serait-ce vrai, serait-il possible qu’il…

Elle achevait sa pensée dans un long soupir de détresse pénible.

Quel sombre rapprochement elle faisait alors dans sa tête, entre les illusions dorées qui l’avaient si délicieusement bercée, elle, à son âge d’amour, et les tortures qui devaient le ronger, lui son petit Claude, son enfant chéri.

Pour toute autre chose, oui, elle aurait pu le consoler. Dans son âme de mère, elle aurait inventé des caresses et des mots inconnus ; elle aurait mis son cœur près du sien, et s’il avait fallu pleurer, au moins elle aurait pleuré avec lui. Mais sa dignité comme sa conscience de mère lui défendait de toucher à ces sentiments intimes du cœur… Elle y voyait presqu’un sacrilège…

Sans pouvoir en prendre ouvertement sa part, il lui faudrait donc assister aux angoisses de son fils en témoin muet et impassible.

Alors, comme sous l’imminence d’un malheur affreux, elle s’était sentie glisser sur ses genoux, et là, écrasée comme pour demander grâce, elle laissait ses larmes couler sans plus aucune résistance.