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en route

daigneux. La langue tirée, il file en avant dans l’ornière polie, au petit galop.

Un grand chariot, lourdement chargé de foin frais coupé, s’en va devant moi. Les essieux craquent, les ridelles oscillent et se disloquent… cric… crac… à chaque inégalité du chemin. Carillon se plonge les naseaux à travers les barreaux et en arrache le mil odorant à pleine bouche.

Ça embaume, c’est vrai, mais filons, car je crains que tout ne croule au milieu de la route.

Il fait beau, il fait chaud.

Il me vient des songeries inexpliquables, interminables, et je rêve : Cette pauvre vieille Letourneau… la fièvre à cent trois, hier… pas mal de congestion… soixante-et-huit ans … un peu de délire… j’ai bien peur que tout ça ne tourne mal ; j’essaierai les ventouses… les ven… En arrière, loin, les ridelles font sourdement cric-crac.

… Dans une reculée lointaine, j’entrevois à travers les arbres la longue enfilade des ornières parallèles et luisantes du chemin.

Plus loin, à gauche, deux hommes, bretelles et chapeaux bas, la chemise toute trempée et bariolée par la