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drôle d’opération

Moi, je lui détaillais les incidents divers de la pratique de la médecine à la campagne, lui expliquais comment je me consolais des vilaines tempêtes, des boues sordides, par les jours de soleil pur, par l’odeur des pommiers en fleurs, les effluves du Richelieu et de ma montagne ; je lui contais mes instincts de travail, mes démangeaisons de littérature, de politique, etc.

Tout à coup — il n’y avait que quelques passagers — comme j’indiquais d’un clin d’œil à mon ami que nous étions attentivement écoutés par un jeune homme, guindé, l’air suffisant et fat, posé de trois quarts sur la banquette voisine, dans une attitude exagérée de prétention ineffable :

— Tu ne le connais pas ? me souffla mon confrère.

— Mais non… pas du tout.

— Eh ! bien, c’est l’avocat Monnier.

— Le candidat qui vient de se faire battre dans Deux-Montagnes ?

— Justement.

— Diable ! qu’il me paraît insupportable… je ne suis plus étonné de sa défaite.

… En effet, j’avais bien jugé. L’avocat Monnier, comme vous le savez, est un être absolument intolérable ;