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ce qu’on ne vous dit pas ! Moi, je m’en moque ; mais j’en ai un peu souffert dans la crainte de voir mes enfants en souffrir beaucoup.

Heureusement mon ambulance va bien.[1] Demain, nous partons pour la chartreuse de Valdemosa, la plus poétique résidence de la terre. Nous y passerons l’hiver, qui commence à peine et qui va bientôt finir. Voilà le seul bonheur de cette contrée. Je n’ai de ma vie rencontré une nature aussi délicieuse que celle de Majorque. […] J’écrirai à Leroux de la Chartreuse, à tête reposée. Si vous saviez ce que j’ai à faire ! Je fais presque la cuisine.[2] Ici, autre agrément, on ne peut se faire servir. Le domestique est une brute : dévôt, paresseux et gourmand ; un véritable fils de moine (je crois qu’ils le sont tous). Il en faudrait dix pour faire l’ouvrage que vous fait votre brave Marie. Heureusement, la femme de chambre que j’ai amenée de Paris est très dévouée et se résigne à faire de gros ouvrages ; mais elle n’est pas forte, et il faut que je l’aide. En outre, tout coûte très cher et la nourriture est difficile quand l’estomac ne supporte ni l’huile rance, ni la graisse de porc. Je commence à m’y faire ; mais Chopin est malade toutes les fois que nous ne lui préparons pas nous-mêmes ses aliments.

  1. Chopin était donc rétabli, ou du moins semblait l’être, au moment de son arrivée à Valdemosa.
  2. Non, c’était Amélie, la femme de chambre, qui cuisinait, mais elle le faisait en maugréant et George Sand était réellement surchargée de soucis et de besogne.