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Au reste, vous l’aimez tous un peu, surtout Olivier, et moi un petit peu encore, cela pourrait bien être. […]

32. — Frédéric Chopin à Julien Fontana, à Paris.

Palma, 14 décembre 1838.


Mon Julien,

Pas encore un mot de toi et c’est le troisième ou le quatrième billet que je t’adresse. As-tu affranchi tes lettres ? Les miens n’ont peut-être pas écrit. Un malheur aurait-il croisé leur chemin ?[1] Ou bien serais-tu paresseux ? Non, tu n’es pas paresseux, tu es bon, tu es brave. Tu as certainement expédié à ma famille mes deux lettres (adressées de Palma) et tu m’as écrit, mais la poste locale ne m’a rien remis. Je n’ai reçu d’autres nouvelles que celle de l’embarquement de mon piano le Ier décembre à Marseille, à bord d’un bateau marchand. Le lettre a mis quatorze jours pour me parvenir. Probablement, le piano hivernera-t-il dans le port où le bateau restera à l’ancre (car personne ici ne bouge quand il pleut). Je ne le recevrai donc pas juste au moment de mon départ, ce qui eût été très divertissant car outre le plaisir de payer 500 francs à la douane, j’aurais eu la joie de devoir le faire remballer. En attendant mes manuscrits sommeillent, et moi je ne puis dormir. Je tousse. Couvert de cataplasmes, j’attends le printemps ou quelqu’autre chose. Demain, je me rendrai dans cet admirable cloître de Valdemosa où j’écrirai dans la cellule d’un vieux moine qui avait

  1. Cette inquiétude, exprimée de façon poignante, montre toute la profondeur de la tendresse du grand artiste pour les siens.