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manquent à Spiridion.[1] Ce n’est pas la chose la plus facile du monde que de donner la conclusion de sa propre croyance religieuse et je vous assure qu’en voyage c’est tout-à-fait impossible. Je me suis arrêtée dans vingt endroits avec la volonté de me recueillir et d’écrire. Mais ces repos ont été les pires fatigues du voyage. Les visites, les dîners, les promenades, les curiosités, les ruines. La fontaine de Vaucluse, Reboul et les Arènes de Nismes, les cathédrales à Barcelone, les dîners à bord sur les vaisseaux de guerre, les théâtres italiens d’Espagne (quels théâtres et quels italiens !) Les guittares [sic]. Que sais-je moi ? Le clair de lune à la mer et Palma surtout, et Mallorque la plus délicieuse résidence du monde. Voilà qui m’écartait terriblement de la philosophie et de la théologie. Heureusement, j’ai rencontré ici de superbes couvents en ruines avec des palmiers, des aloès et des cactus, au milieu des mosaïques brisées et des cloîtres délabrés, et tout cela m’a remis sur la voie de Spiridion. De sorte que depuis trois jours, j’ai une rage de travail, mais jusqu’à présent impossible à satisfaire, car nous n’avons ni feu ni lieu. Pas d’auberges à Palma, pas de maison à louer, pas de meubles à acheter. Quand on arrive, on commence par acheter un terrain, après quoi, on fait bâtir, et puis on commande des meubles. Ensuite on obtient du gouvernement la permission de demeurer quelque part, et enfin, au bout de cinq ou six ans, on commence à

  1. Commencé en France, Spiridion fut donc terminé à Majorque. Dans la dernière partie de cet ouvrage, la description de l’ermitage de St. Hyacinthe est visiblement inspirée par l’admirable ermitage qui s’élève, non loin de la Chartreuse de Valdemosa, sur un rocher dominant la mer.