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clef qu’Hortense Allart,[1] je la vois à peu près tous les jours. C’est une personne d’infiniment d’esprit et d’un caractère supérieur. Elle est bien loin d’être douée comme notre amie George ; elle n’est ni poète, ni artiste, mais elle a pris la vie au sérieux, elle a travaillé et travaille encore énormément, elle est sincèrement sincère (la plus grande qualité chez nous autres femmes), et elle est parvenue à mettre beaucoup de dignité dans une existence pauvre et en dehors des convenances. J’espère vous la faire connaître un jour.

Le voyage aux Baléares m’amuse. Je regrette qu’il n’ait pas eu lieu un an plus tôt. Quand G. se faisait saigner, je lui disais toujours : à votre place j’aimerais mieux Chopin ; que de coups de lancettes épargnés ! Puis elle n’eût point écrit les lettres à Marcie,[2] puis

  1. Hortense Allart (1801-1879), femme de lettres française, cousine germaine de Delphine Gay. Spirituelle et très jolie, Hortense Allart écrivit des romans mais son nom doit de survivre aux Enchantement de Prudence qu’elle fit paraître en 1872 et où sont évoquées ses amours avec Chateaubriand. Hortense avait eu d’autres adorateurs, notamment le comte de Sampayo et Bulwer-Lytton, frère du romancier. Sainte-Beuve appréciait son style : ne l’appelait-il pas « femme à la Staël ». Dans sa correspondance, Melle  Allart désigne George Sand par ces mots : « la Reine » tandis que Chopin a déclaré qu’Hortense lui semblait « un écolier en jupons ». La femme de lettres épousa en 1843 Napoléon-Louis Frédéric-Corneille de Méritens de Malvézie de Marcignac l’Asclaves, de Saman et de l’Esbat qui l’emmena vivre à Montauban. L’union fut moins longue que le nom de l’époux. Quelques mois après les noces, Hortense Allart, désormais « Allart de Méritens », reprit sa liberté.
  2. « Les lettres à Marcie » parurent dans « Le Monde » en février et mars 1837. George Sand en interrompit la publication, Lamennais qu’elle avait consulté à leur sujet ne lui ayant permis d’aller plus avant.