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et l’aider même à vaincre ses scrupules religieux. C’est un peu là — je dirai où — que mes conjectures aboutissent. Vous me direz si je me trompe ; je crois la personne charmante, digne de tout amour, et de tout respect, parce qu’un être comme lui ne peut aimer que le pur et le beau. Mais je crois que vous redoutez pour lui le mariage, le lien de tous les jours, la vie réelle, les affaires, les soins domestiques, tout ce qui, en un mot, semble éloigné de sa nature et contraire aux inspirations de sa muse. Je le craindrais aussi pour lui ; mais à cet égard je ne puis rien affirmer et rien prononcer parce qu’il y a bien des rapports sous lesquels il m’est absolument inconnu. Je n’ai vu que la face de son être qui est éclairée par le soleil. Vous fixerez donc mes idées sur ce point. Il est de la plus haute importance que je sache bien sa position afin d’établir la mienne. Pour mon goût, j’avais arrangé notre poème dans ce sens, que je ne saurais rien, absolument rien de sa vie positive, ni lui rien de la mienne, qu’il suivrait toutes ses idées religieuses, mondaines, poétiques, artistiques, sans que j’eusse jamais à lui en demander compte, et réciproquement, mais que partout, en quelque lieu et à quelque moment de notre vie que nous vinssions à nous rencontrer, notre âme serait à son apogée de bonheur et d’excellence. Car, je n’en doute pas, on est meilleur quand on aime d’un amour sublime, et loin de commettre un crime, on s’approche de Dieu, source et foyer de cet amour. C’est peut-être là, en dernier ressort, ce que vous devriez tâcher de lui faire comprendre, mon ami, et ne contrariant pas ses idées de devoir, de dévouement et de sacrifice religieux, vous mettriez