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Vous êtes une charmante et excellente femme de m’écrire souvent. J’ai vu votre amie Madame Tallamel, je ne vous en puis rien dire car je ne l’ai vue qu’un instant. Elle ne peut sortir parce qu’elle a eu je ne sais quoi de dérangé à une jambe ; moi je ne puis sortir davantage car mon pauvre Chopin, quoique aussi bien portant que possible, ne peut guère rester seul. Il s’ennuye quand notre petit tripotage d’enfants et de lectures n’est pas autour de son fauteuil, et je n’ai aucune personne de confiance à qui le laisser. D’ailleurs, chère amie, vous savez comme je suis sauvage et comme je crains les nouvelles connaissances. Je ne veux aimer que vous, chère Sœur ; c’est pour la vie, il ne m’en faut pas davantage. Mon cœur est vieux et ne pourrait pas loger une autre amitié de femme. Quant aux simples relations, à quoi bon ? je n’ai pas le temps d’être polie, vous le savez bien.

Je ne suis pas surprise du tout du mariage de Didier, vous savez que nous l’aurons deviné vingt fois pour une. […] Je fais une grande tartine sur Goethe, Byron et Mickiewicz. Rien de neuf chez vous ? Chopin va très bien, il a été bien secoué aujourd’hui par l’histoire qu’on est venu nous raconter sur Nourrit, lequel se serait jeté d’une fenêtre et brisé sur le pavé et en mille pièces, la nouvelle arrive par le bateau à vapeur de Naples. Pourtant nous en doutons encore car c’est trop affreux. J’en suis malade moi-même. J’aimais beaucoup Nourrit comme vous savez. Je fais mes efforts pour persuader à Chopin que cette nouvelle est fausse. Elle lui fait bien du mal et lui a été bien sottement annoncée par un butor. Oh !