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DE L’ELBE AUX BALKANS

venu un domaine public ; comme ça, le peuple a sa revanche.

On a franchi la jolie vallée de la Sâzava, traversé des bois ombreux au penchant de sombres collines ; le train s’arrête à Benesov. Aussitôt descendu, je prends congé de mon voisin, qui gagne la ville, et, longeant à rebours la voie de chemin de fer qui nous a amenés, je me dirige vers Konopistê.

Dès l’entrée du parc, je vois bien qu’en effet le peuple prend sa revanche. Un groupe de chasseurs poursuit le gibier dans ce qui fut les tirés archiducaux. En haut d’une clairière en pente, un lièvre vient de déboucher.

— A vous ! à vous, monsieur le conseiller ! crie un des Nemrods.

Le coup de feu de « monsieur le conseiller » se répercute parmi les vieilles futaies, suivi d’un second, mais le lièvre court sans doute encore.

Arbres centenaires d’essences rares, fausses grottes, chapelles, roseraie fameuse décorée d’obélisques et de statues antiques, pièces d’eau, rien ne manque à ce parc merveilleux, et c’est par des allées faites pour la rêverie que l’on arrive au château, dont les tours dominent à peine les frondaisons gigantesques.

Les autorités tchécoslovaques ont eu l’heureuse idée de laisser en état la demeure archiducale. Rien n’en a été enlevé ; rien même n’a été déplacé des collections qui s’entassaient entre les murs épais du lourd édifice féodal. Le visiteur retrouve jusqu’au fidèle portier qui fut au service de François-Ferdinand. Mais le plus réputé reporter sera bien habile s’il parvient à tirer de ce discret cicerone la plus anodine confidence touchant le taciturne héritier de François-Joseph. Les choses, heureusement, sont plus éloquentes. Inutile de les solliciter. Elles parlent d’elles-mêmes. Leur