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DE L’ELBE AUX CARPATHES

foire d’échantillons inaugurée il y a une huitaine d’années y prend une ampleur sans cesse accrue. Il a fallu, pour abriter ses expositions, autre chose que des pavillons provisoires. Des blocs d’immeubles ont donc été bâtis, dont l’ensemble forme de longues lignes droites et de hautes surfaces verticales sans trace de fantaisie, sans agrément d’imagination, comme il sied à un temple du business.

Lorsque j’y suis allé, cependant, une aile de ce temple logeait une exposition de tableaux du peintre Alphonse Mucha. Le commerce tendait la main à l’art j le présent hospitalisait le passé. Car Mucha, qui eut à Paris son heure de succès, Mucha qui, avec ses affiches pour Sarah Bernhardt, avec ses estampes, fut il y a trente ans un novateur, apparaît bien « vieux jeu » à ses compatriotes. Il a su, certes, se renouveler, et les toiles où il synthétise l’Épopée slave ne rappellent que de très loin les compositions décoratives qu’il peignait naguère, à une époque où fleurissait ce qu on dénommait « Art Nouveau ». La critique tchèque lui reproche cependant d’apparaître bien ancien avec son dessin impeccable et ses recherches savantes de couleur en un temps où, pour être sacré grand artiste, il suffit de ne savoir ni dessiner ni peindre. Et, voyant le peu de cas que l’on fait aujourd’hui d’une œuvre toute de science et de probité, je me demande ce qu’il pourra bien rester dans quelques années de la production actuelle où nulle imagination ne supplée au manque de science et même de conscience.