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DE L’ELBE AUX CARPATHES

on les éclairait violemment par de puissants projecteurs dissimulés aux alentours. On les voyait alors, surgissant de l’obscurité avec tous leurs reliefs accentués par les ombres, se détacher en clair sur le velours foncé du ciel nocturne, et c’était d’un effet saisissant.

Je suis, dès l’aube du 28 octobre, réveillé par des fanfares. Déjà la foule piétine le mauvais pavé gras. Le peuple fête son indépendance. Car ce sera vraiment une fête populaire : en dehors d’une revue des troupes de la garnison et de la réception de délégations par M. Masaryk, président de la République, aucun programme officiel de réjouissances publiques n’est prévu.

Nous allons, l’ami Hugues Lapaire et moi, nous mêler à la multitude. Devant le monumental musée qui la domine, la vaste avenue que les Praguois dénomment place Venceslas fourmille. Des vêtements sombres qu’égaie par points le chatoiement d’un costume populaire ou la note amusante de chapeaux masculins verts, de toutes formes et de toutes nuances, se massent sur les larges trottoirs. En un silence recueilli, comme s’ils assistaient à quelque rite solennel, tous ces gens regardent défiler sur la chaussée le cortège des partis politiques de gauche. Chaque groupe, précédé de sa fanfare et accompagné de ses drapeaux, promène des écriteaux où, tout en vilipendant le gouvernement actuel, trop à droite a sa guise, il s’affirme le seul représentant de la vraie République et de la Liberté. Les curieux n’ont pas une réflexion, pas un sourire devant ces rodomontades. Ils regardent avec indifférence le troupeau des militants monter l’avenue, tourner au-