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DE L’ELBE AUX CARPATHES

Français dont je m’enorgueillis d’avoir été le modeste collaborateur,

Ernest Denis,, professeur à la Sorbonne, était avant la guerre un des rares hommes en France qui connaissaient bien l’Autriche-Hongrie et ses Slaves. Il avait consacré son œuvre d’historien à retracer la vie tourmentée de la Bohême. En 1914 il mit son inépuisable science et son inlassable ardeur au service de la cause tchécoslovaque, dans laquelle il voyait la cause même de la France. Il fut ainsi un ides artisans de cette indépendance que la Tchécoslovaquie se prépare à commémorer. On s’explique donc la popularité dont il jouit à Prague, où de braves gens naïfs, en 1918, songèrent à lui pour présider la jeune république et où, à la fin de 1920, il vint passer les derniers jours qu’il lui restait à vivre.

J’ai vu la statue d’Ernest Denis. Elle s’érige au pied de l’église Saint-Nicolas, dans le vieux quartier de Malâ Strana. Elle occupe le coin d’une petite place où naguère encore se dressait le monument du maréchal Radetzky. On a soulevé le voile qui la recouvrait, selon tous les rites des inaugurations officielles. Elle est apparue, sous le pâle soleil d’octobre, dans toute la splendeur de son bronze neuf qu’on dirait doré. Elle est, à mon goût, fort déplaisante. Affalé dans un fauteuil bas aux pieds -croches, l’historien français, les jambes allongées et un livre sur les genoux, penche en arrière un visage aux traits durs où j’ai peine à reconnaître ceux de mon éminent ami. Deux voisins échangent leurs impressions.

— Le sculpteur, dit l’un, a dû faire poser son modèle chez le coiffeur.