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Ainsi, on retranche d’un discours tous les ornemens affectés qui ne servent ni à démêler ce qui est obscur, ni à peindre vivement ce qu’on veut mettre devant les yeux, ni à prouver une vérité par divers tours sensibles, ni à remuer les passions qui sont les seuls ressorts capables d’intéresser et de persuader l’auditeur ; car la passion est l’ame de la parole. Tel a été, Messieurs, depuis environ soixante ans, le progrès des lettres que M. Pélisson auroit dépeint pour la gloire de notre siècle, s’il eût été libre de continuer son Histoire de l’Académie.

Un ministre attentif à attirer à lui tout ce qui brilloit, l’enleva aux lettres et le jeta dans les affaires. Alors quelle droiture, quelle probité, quelle reconnoissance constante pour son bienfaiteur ! Dans un emploi de confiance, il ne songea qu’à faire du bien, qu’à découvrir le mérite et à le mettre en œuvre. Pour montrer toute sa vertu, il ne lui manquoit que d’être malheureux : il le fut, Messieurs. Dans sa prison éclatèrent son innocence et son courage : la Bastille devint une douce solitude où il faisait fleurir les lettres.

Heureuse captivité, liens salutaires, qui réduisirent enfin sous le joug de la foi cet esprit trop indépendant. Il chercha pendant ce loisir, dans les sources de la tradition, de quoi combattre la vérité ; mais la vérité le vainquit, et se