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Corneille.

Et qui d’entre-nous ne s’applaudissoit pas en lui-même, et ne ressentoit pas un secret plaisir d’avoir pour confrère un homme de ce mérite ?

Vous, Monsieur, qui non seulement étiez son frère, mais qui avez couru long-temps une même carrière avec lui, vous savez les obligations que lui a notre poésie, vous savez en quel état se trouvoit la Scène françoise, lorsqu’il commença à travailler. Quel désordre ! quelle irrégularité ! Nul goût, nulle connoissance des véritables beautés du théâtre. Les auteurs aussi ignorans que les spectateurs ; la plupart des sujets, extravagans et dénués de vraisemblance ; point de mœurs ; point de caractères ; la diction encore plus vicieuse que l’action, et dont les pointes, et de misérables jeux de mots faisoient le principal ornement. En un mot toutes les règles de l’art, celles même de l’honnêteté et de la bienséance par-tout violées.

Dans cette enfance, ou pour mieux dire dans ce chaos du poëme dramatique parmi nous, votre illustre frère, après avoir quelque temps cherché le bon chemin, et lutté, si j’ose ainsi dire, contre le mauvais goût de son siècle, enfin, inspiré d’un génie extraordinaire, et aidé de la lecture des anciens, fit voir sur la scène la raison, mais la raison accompagnée de toute la pompe, de tous les ornemens dont notre langue est capable, accorda heureusement le vraisemblable et le merveilleux, et laissa bien