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toujours changeantes ; et la nôtre en particulier pouvait-elle promettre l'immortalité, elle dont nous voyons tous les jours passer les beautés, et qui devenait barbare à la France même dans le cours de peu d'années ? Quoi donc ? la langue française ne devait-elle jamais espérer de produire des écrits qui pussent plaire à nos descendants ; et pour méditer des ouvrages immortels, fallait-il toujours emprunter le langage de Rome et d'Athènes ? Qui ne voit qu'il fallait plutôt pour la gloire de la nation former la langue française, afin qu'on vît prendre à nos discours un tour plus libre et plus vif, dans une phrase qui nous fût plus naturelle, et qu'affranchis de la sujétion d'être toujours de faibles copies, nous puissions enfin aspirer à la gloire et à la beauté des originaux. Vous avez été choisis, Messieurs, pour ce beau dessein, sous l'illustre protection de ce grand homme, qui ne possède pas moins les règles de l'éloquence, que de l'ordre et de la justice, et qui préside depuis tant d'années aux conseils du Roi, autant par la supériorité de son génie, que par l'autorité de sa charge.

L'usage, je le confesse, est appelé avec raison le père des langues. Le droit de les établir, aussi bien que de les régler, n'a jamais été disputé à la multitude ; mais si cette liberté ne veut pas être contrainte, elle souffre toutefois d'être dirigée. Vous êtes, Messieurs, un conseil réglé et perpétuel, dont le crédit,