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charmer leurs oreilles. Un trait d’éloquence ou de poésie venoit-il s’offrir à leur mémoire ? Les idées ou les images qui s’y trouvoient exprimées ne se réveilloient dans leur esprit, que revêtues des sons, des accens qui les avoient animées. C’est ainsi qu’en nous rappelant des vers embellis par une musique qui nous est familière, nous nous rappelons toujours et en même-temps, le chant dont ces vers sont accompagnés.

Le gouvernent, les mœurs, les opinions, tout a changé ; on ne parle plus au peuple assemblé ; on ne gouverne plus par l’éloquence. Ce n’est que dans le silence du cabinet qu’on juge des compositions littéraires : on lit tranquillement l’ouvrage du poète et de l’orateur, comme celui du philosophe.

Pour peu qu’on réfléchisse sur la manière dont naissent, se modifient et se pénètrent les sensations et les idées, on concevra sans peine la prodigieuse différence qui se trouve dans les impressions qu’on reçoit par un sens ou par un autre. Le sens de l’ouïe, délicat et sensible, ne peut être ébranlé sans douleur ou sans plaisir ; celui de la vue est, pour ainsi dire, impassible, et semble n’être destiné qu’à transmettre paisiblement à l’ame l’image des objets dont il est frappé. J’appellerois volontiers l’ouïe le sens de l’ame et des passions ; et la vue, le sens de l’esprit et de la raison. Il y a, entre les idées qui nous sont transmises par les oreilles ou par les yeux,