Page:Choix de discours de réception à l'Académie françoise, tome I, 1808.djvu/138

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que nous commençons à pleurer le grand Corneille.

Je ne veux ni imiter ici, ni condamner ceux qui les ont comparés : si l’un a suivi de plus près la nature, et si l’autre l’a surpassée ; si l’un a frappé d’avantage l’esprit, si l’autre a mieux touché le cœur, ou bien si tous deux ont su également saisir et enlever le cœur et l’esprit, les siècles à venir, encore mieux que nous, libres et affranchis de toutes préventions, en décideront ; mais dans celui-ci la fortune met entre eux après la mort une extrême différence.

Lorsque le grand Corneille mourut, l’illustre Racine occupoit ici la place que je remplis aujourd’hui ; et de même qu’après la mort d’Auguste, celui qui fut l’héritier de sa gloire et de sa puissance, fit dans Rome l’oraison funèbre du premier Empereur du monde, Racine, cette autre lumière du Théâtre François, fut le panégyriste de celui que nous en regarderons toujours comme le fondateur et le maître ; ce fut lui qui recueillit, pour ainsi dire, qui enferma dans l’urne les cendres de Corneille : il sembla à la fortune qu’il n’y avoit qu’un grand poète tragique qui pût rendre dignement le triste devoir au grand poète tragique que nous perdions alors ; cette même fortune, trompée peut-être par quelque accueil favorable que le public a fait à des ouvrages que j’ai hazardés sur le théâtre, essaye aujourd’hui de faire en quelque sorte