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Votre modestie me désavoue, vous m’écoutez avec peine, et prêt à m’interrompre, s’il vous étoit permis, vous me diriez que la fortune a mis entre vos mains un trésor immense où vous avez puisé ; que vous avez trouvé des richesses infinies, dont vous n’avez fait que vous parer, et dont peut-être un autre par un plus heureux arrangement se fût mieux paré que vous.

Mais ne vous enviez point à vous-même les louanges qui vous sont dues.

Ces grands, ces pompeux sujets, où l’on croit que l’art n’a rien à ajouter, accablent plutôt l’orateur qu’ils ne l’élèvent ; ils embarrassent l’imagination, en même-temps qu’ils la remplissent d’une multitude d’idées brillantes ; ils y laissent, s’il m’est permis de parler ainsi, une impression si lumineuse, qu’elle l’aveugle, qu’elle l’égare au lieu de la conduire. Ce sont des diamans qui doivent à la main de l’ouvrier qui les taille, à son travail long et pénible, les feux vifs et éclatans dont ils frappent nos yeux, et qui avant que d’être parfaits, demandent plus d’art et de peine qu’ils ne promettent de gloire.

L’éloge sur-tout des grands hommes avec qui nous avons vécu, est d’autant plus difficile que nous avons moins eu le temps de nous accoutumer à les regarder avec ce respect que nous ne leur rendons qu’après leur mort.

Tant que ces Héros enfermés comme nous dans des corps mortels, nous ont paru comme nous