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haute réputation. On traduisoit ses pièces en toutes les langues de l’Europe, on le représentoit sur tous les théâtres ; ses vers étoient dans la bouche de tout le monde, et cela est beau comme le Cid, étoit une louange qui avoit passé en proverbe.

La France, avant lui, n’avoit rien vu sur la scène de sublime, ni même pour ainsi dire de raisonnable ; et, transportée pour ses premiers ouvrages d’une admiration qui alloit, pour ainsi dire, jusqu’à l’idolâtrie, elle sembloit, pour l’en récompenser, s’être engagée en quelque façon à n’en jamais admirer d’autres que ceux qu’il produiroit à l’avenir.

Ainsi l’on regarda d’abord avec quelque sorte de chagrin l’audace d’un jeune homme qui entroit dans la même carrière, et qui osoit demander partage dans des applaudissements dont un autre sembloit pour toujours avoir été mis en possession. Mais M. Racine conduit par son seul génie, et sans s’amuser à suivre ni même à imiter un homme que tout le monde regardoit comme inimitable, ne songea qu’à se faire des routes nouvelles. Et tandis que Corneille peignant ses caractères d’après l’idée de cette grandeur romaine, qu’il a le premier mise en œuvre avec tant de succès, formoit ses figures plus grandes que le naturel, mais nobles, hardies, admirables dans toutes leurs proportions ; tandis que les spectateurs entraînés hors d’eux-mêmes, sembloient