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du Voyage de Siam.

colere, & ordonna à ſes gens d’aller au marché acheter tout ce qu’il lui falloit. Le Gouverneur donna ordre auſſitôt qu’on lui livraſt tout ce qu’il demanderoit, & ſans argent. Cela fut fait : mais le lendemain les femmes du marché, craignant de n’eſtre pas bien payées du Gouverneur, déſerterent ; & les Perſans furent obligez à revenir demander leur pitance au Gouverneur. Cét Ambaſſadeur a déclaré que s’il paſſoit des femmes devant ſa maiſon, il les feroit charger à bale ; & qu’il feroit encore pis, s’il apprenoit qu’on vendiſt du vin dans les lieux où il paſſeroit. Le Roi de Siam, qui n’aime pas ces manieres hautaines, vouloit le faire rembarquer ſans lui donner audiance ; &, s’il continuë, il lui arrivera quelque avanie. Voyez, diſoit hier le Roi en plein Conſeil, voyez l’Ambaſſadeur de France : il ne demande que des choſes raiſonnables ; & dans ſon quartier cent jeunes François n’y font pas plus de bruit que feroient cent Miſſionnaires.

M. de Fourbin a fait juſtice à Siam, & a renvoyé à bord tous les François. Ils n’avoient pas fait grand mal : ſeulement quelques poules plumées. Un verre de raque, qui eſt l’eau de vie du païs enyvre : & quand on eſt yvre, on ſe bat, on crie, on fait du bruit ; & les Siamois, qui ſont d’une humeur paiſible, croyent que tout eſt perdu.

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