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Journal

12. Novembre.

LEs préſens de Monſeigneur & de Madame la Dauphine ſont ſur le rôle : ils ne ſont pas ſi riches que ceux du Roi, mais il ne s’en faut gueres. La Princeſſe vient encore d’envoyer des porcelaines. J’arrache toujours quelque nouvelle connoiſſance de M. Conſtance ; & tout cela, parce que vous eſtes curieux. Le Roi n’a qu’une fille unique, qui a vingt-fept ans. Elle a le rang & les revenus de la Reine, depuis que ſa mere eſt morte ; & les aura juſqu’à ce que ſon pere ſe remarie. Il y a deux freres du Roi : l’un qui a trente-ſept ans, & eſt impotent, fier, & capable de remuer, ſi ſon corps lui permettoit d’agir ; l’autre n’a que vingt-ſept ans, eſt bien fait, & muet. Il eſt vrai que l’on dit qu’il fait le muet par politique. Ils ont chacun un palais, des jardins, des concubines, des eſclaves, & ne ſortent preſque jamais. La ſœur du Roi & ſes tantes ſont fort vieilles.

Tous les grands officiers de la couronne font leurs charges avec une dépendance entiere de M. Conſtance, à qui ils obéiſſent aveuglément. Il y a un an que le Barkalon ne lui ayant pas voulu obéir, fut chaſſé, & eut encore par ordre du Roi cinquante coups de rote, qui eſt une petite baguette pliante, qui ne rompt jamais. Vous ſçavez que dans toutes les Indes on mange du bétel & de l’areque : le Roi vend tous les ans pour