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Journal

Nous avons eſté aujourd’hui cinq heures à table. M. Conſtance a fort bien ſolenniſé la fête du Roi d’Angleterre. On a beu toutes les ſantez royales, & particulieres, & même la mienne. Je n’aurois jamais cru que cela puſt arriver : ma ſanté a fait tirer plus de cinquante coups de canon.

Plus j’entretiens M. Conſtance, plus je le trouve habile & de bonne foi, & d’une converſation charmante. Il a la repartie auſſi preſte qu’homme qui ſoit.

6. Novembre.

TOute la journée a eſté encore employée à faire le choix des préſens : ils ſeront aſſurément tres-magnifiques. M. Conſtance en ſon particulier en fait au Roi, qui ne ſont pas ſi riches que ceux de ſon maître, mais qui du moins ſont auſſi agréables. Cét homme a l’ame grande : auſſi faut-il avoir bien du mérite, pour s’eſtre élevé au poſte qu’il tient ici. Il eſt de Céphalonie, de parens nobles & pauvres. A dix ans il prit parti ſur un vaiſſeau Anglois, & a paſſé par tous les degrez de la marine. Enfin, aprés avoir fait commerce à la Chine & au Japon, aprés avoir fait naufrage deux ou trois fois, il s’attacha au Barkalon de Siam, qui lui trouvant de l’eſprit & de la capacité pour les affaires, l’emploia, & le fit connoître au Roi ; & depuis la mort du Barkalon,