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prématurée, causée par ses fréquents jeûnes. Quant à lui, ne pouvant goûter de leurs aliments, il dit : Si l’on avait un poisson frais, je pourrais en manger. Les disciples prièrent donc le capitaine d’essayer de jeter un filet, lui offrant une forte récompense. Le capitaine, riant de leur simplicité, leur observa : Voyez vous-mêmes, nous sommes en pleine mer, et le vaisseau s’avance avec force et rapidité, nous ne pouvons pas pêcher ; vous demandez l’impossible. Alors le saint leur dit : Ne vous inquiétez pas, mes enfants ; que la volonté de Dieu s’accomplisse ! À ces dernières paroles, une vague couvrit le tillac : elle jeta, on eût dit avec la main, un gros poisson sur la poitrine du saint, et se retira aussitôt, sans même la mouiller. Lorsque le saint vit ce miraculeux poisson envoyé de Dieu, il en remercia et glorifia le Très-Haut, disant : Voici que le Seigneur Dieu accomplit notre désir ! Prenez cela, préparez-le comme vous savez et servez-nous-le. Le capitaine fut frappé d’épouvante ; lui et son équipage ne pouvaient en revenir, ni s’expliquer le miracle. Enfin, il s’approche du saint, s’excusant et demandant pardon de s’être moqué de la demande de ses disciples. Dès que le saint eut goûté de ce poisson merveilleux, il fut soulagé. Par un effet de la divine Providence (okormlenie), il arriva à Tzaragrad, et se rendit aussitôt à son monastère d’Éverguétessa. Il n’y demeura que le temps nécessaire pour se remettre des fatigues de la route. Puis il se rendit à Ternov, chez son ami, le tzar Aciène. Dès que ce dernier eut appris la nouvelle de son arrivée, il s’empressa de sortir à sa rencontre avec tous les hauts dignitaires, lui donnant force marques d’honneur et d’amitié. La ville entière prit part à cette grande et triomphale joie. Comme c’était en hiver, le tzar le logea chez lui, dans une aile du palais bâti pour la saison froide. Le jour de l’Épiphanie, le tzar et le patriarche Joachim, pour témoigner leur haute estime au saint, le prièrent d’officier aux vêpres et à la grande bénédiction de l’eau du lendemain, cérémonie qui était réservée au patriarche. On remarqua que lorsque l’archevêque saint Sabba bénit l’eau dans les fonts, elle se sépara en deux, et puis se rapprocha. Le tzar et ceux qui l’accompagnaient, voyant ce miracle, furent épouvantés et glorifièrent Dieu et le saint.