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de bonne entente qui les unissaient, ni de voir le sang inutilement versé de part et d’autre. C’est pourquoi il engagea son frère saint Sabba, l’archevêque, d’aller en mission chez le roi de Hongrie. Le saint y trouva un accueil plein de distinction, comme archevêque et comme frère du souverain de Serbie. Malgré le langage empreint de douceur et de religion du saint, qui l’entretenait de la paix, de la vérité et de la charité, le roi de Hongrie ne pouvait maîtriser sa colère. Il repoussa de prime-abord les propositions pacifiques, et tout courroucé menaçait de la guerre. Comme cela se passait au cœur de l’été, et dans une année remarquable par ses excessives chaleurs, le saint demanda un peu de glace pour rafraîchir l’eau et le vin. Le roi ordonna volontiers de fournir au saint tout ce dont il aurait besoin. Mais les serviteurs envoyés dans les glacières, en revenaient les mains vides. On n’avait pu se procurer un morceau de glace, car les grandes chaleurs de la canicule l’avaient fait fondre partout. Le roi se chagrinait de ne pas être servi selon ses désirs. Saint Sabba, au contraire, réjoui de cette nouvelle, commença par ordonner à tous ceux qui se trouvaient sous sa tente d’en sortir. Puis levant les mains et les yeux pleins de larmes au ciel, il pria ainsi : Seigneur Jésus-Christ, mon Dieu, toi notre espoir et notre refuge à tous, notre auxiliaire et notre sauveur, tu vois maintenant ceux qui nous ont offensés et qui cherchent à nous nuire ! Ne nous abandonne pas, Seigneur Dieu, par les prières de ta mère immaculée, de ton élu Syméon notre saint père, fais-nous maintenant paraître une marque de ta bienveillance, que nos ennemis la voient et en soient confondus ! Exauce-nous, Seigneur ! De même que jadis tu as exaucé ton prophète Élie en lui envoyant le feu d’en haut, de même accorde-nous de la glace, gratifie-nous-en, afin que tout le monde apprenne que nous sommes tes serviteurs. Ceux qui cherchent à nous faire du mal auront peur, et frappés d’étonnement, ils glorifieront ton nom et celui du Père et du Saint-Esprit, dans les siècles ! Amen. La prière n’était pas encore achevée, que tout à coup le vent mugit, la foudre brille et gronde, une grande terreur s’empare de tous et du roi lui-même. Dans le seul endroit où se trouvait le camp du saint, et autour de sa tente, on vit la glace s’a-