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miracle, tout le peuple, épouvanté et édifié, s’écria comme un seul homme : Dieu aie pitié de nous ! Chacun d’eux fut oint par les mains du vénérable Hillarion, avec la sainte myrrhe fraîchement découlée, dont ils recueillirent quelques gouttes pour les garder chez eux comme une chose sainte et bénie. L’autocrate, en prince pieux, prononça une allocation d’une voix sonore et expressive : Admirons Dieu, dit-il, dans les merveilles opérées par ses saints ! Glorifions-le toujours et proclamons ses louanges avec une crainte respectueuse. Il est aussi souverainement utile d’admirer ses saints, de les vénérer et même de les imiter, car par ce moyen nous aurons travaillé pour le salut de notre âme, dans les limites du possible. Cependant là où les vivants écrivent aux morts et leur adressent des commandements, là certes il s’agit de faits en dehors du domaine de la nature. Nos yeux contemplent aujourd’hui même les très-glorieux prodiges émanés de nos saints Pères, et opérés par la toute-puissance du Christ. Vous savez combien nous avons supplié notre feu père de nous gratifier de l’effusion de la myrrhe, et il ne nous a pas écoutés. Tandis que maintenant, l’un ayant échangé quelques paroles avec l’autre, Dieu s’empresse de les exaucer ! Tout cela s’accomplit pour notre salut éternel. Sachons donc que Dieu aime mieux un seul juste que des milliers de prévaricateurs. En même temps tenons-nous pour avertis que notre manière de vivre ne saurait plaire à Dieu. Tous ceux qui entendirent cette allocution s’en édifièrent beaucoup, et, pleins de joie, ils se dispersèrent. Le vénérable vieillard Hillarion, hâtant son retour chez le saint, le tzar n’osa le retenir plus longtemps ; il lui permit au contraire de s’en aller, et le saluant il lui dit : Vénérable Père, vous venez de me faire contracter une grande dette de reconnaissance, en nous apportant jusqu’ici le message de mon frère et en nous enrichissant du trésor de la sainte myrrhe de mon père. Il lui remit beaucoup d’or et d’argent pour les nécessiteux, ainsi qu’un vase de verre rempli de myrrhe, et une lettre pour le saint, où il écrivit : « Par tes prières nous avons obtenu du bienheureux Syméon et surtout de la grâce divine, cette précieuse huile. Prends-la comme tienne, et prie le Seigneur pour nous, pauvres pécheurs. » Hillarion, de retour au mont Athos, raconta à