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LES LIAISONS


Lettre X.

La marquise de Merteuil au vicomte de Valmont.

Me boudez-vous, vicomte ? ou bien êtes-vous mort ? ou, ce qui y ressemblerait beaucoup, ne vivez-vous plus que pour votre présidente ? Cette femme, qui vous a rendu les illusions de la jeunesse, vous en rendra bientôt aussi les ridicules préjugés. Déjà vous voilà timide & esclave ; autant vaudrait être amoureux. Vous renoncez à vos heureuses témérités. Vous voilà donc vous conduisant sans principes & donnant tout au hasard, ou plutôt au caprice. Ne vous souvient-il plus que l’amour est, comme la médecine, seulement l’art d’aider à la nature ? Vous voyez que je vous bats avec vos armes ; mais je n’en prendrai pas d’orgueil ; car c’est bien battre un homme à terre. Il faut qu’elle se donne, me dites-vous : eh ! sans doute, il le faut ; aussi se donnera-t-elle comme les autres, avec cette différence que ce sera de mauvaise grâce. Mais, pour qu’elle finisse par se donner, le vrai moyen est de commencer par la prendre. Que cette ridicule distinction est bien un vrai déraisonnement de l’amour ! Je dis l’amour ; car vous êtes amoureux. Vous parler autrement, ce serait vous trahir ; ce serait vous cacher votre mal. Dites-moi donc, amant langoureux, ces femmes que vous avez eues, croyez-vous les avoir