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DANS L’INDE.

Voilà tout ce qu’ils savent de notre langue, ces grands enfants sauvages. Cela ne les empêche pas, me dit-on, d’être électeurs, de voter avec toute la dignité de citoyens libres. Le grand prêtre de la pagode s’entend avec le gouverneur, et ils votent à son gré comme ils accompliraient un rite, une cérémonie religieuse analogue à la procession périodique des images sacrées dans les chars.

Grande cohue sur la jetée. Nous amenons un haut fonctionnaire de la République. Les forces de l’Inde française, les trois cents cipayes que la Grande-Bretagne tolère, sont là, formant la haie, enchantés de jouer au soldat, très heureux de leur uniforme brillant. A grands coups de crosse, on chasse la cohue des curieux indigènes, mais les blancs passent librement sous les arcs de triomphe où se déploient les souhaits de bienvenue et les acclamations officielles. Pauvre population blanche de Pondichéry, pauvres Français nés si loin, descendus des ancêtres vaillants qui s’installèrent là quand la Fiance était une puissance glorieuse sur la terre de l’Inde, aujourd’hui si oubliés, si éloignés de nous ! J’aperçois des enfants de vieilles familles créoles, et rien n’est saisissant comme de retrouver chez eux le masque et l’expression de notre race. Ils semblent étonnamment provinciaux, arriérés, avec quelque chose de fatigué, d’amolli, d’alenti, de flétri quelquefois. Je ne sais pourquoi