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DANS L’INDE.

la connaissance d’un gentleman cinghalais. Très civilisé, ce gentleman, très correct dans son veston de tweed qui ferait honneur à un masher de Londres, la boutonnière décorée d’une fleur de gardénia ; seulement ses jambes sont serrées dans un fourreau blanc très étroit. Physionomie presque européenne : un Italien plus fin, féminin et basané. Traits osseux, saillants, jolies boucles noires de sa barbe dure et luisante.

Après un quart d’heure de silence, la conversation s’engage comme dans un wagon d’Europe. Il m’offre des allumettes et remarque qu’il fait très chaud. Une phrase sur la température, c’est, eu pays anglais, un rite nécessaire et préalable par lequel les êtres humains entrent en communication. A présent, en quelques mots très précis, il me renseigne sur la population de l’île, sur l’administration, sur les religions. A mesure qu’il va, je sens combien profonde est chez lui l’empreinte anglaise ; il parle la langue avec une pureté singulière : on ne distingue aucun accent. Il est chrétien, avocat, membre du conseil législatif. Sa pitié dédaigneuse pour « l’ignorance et l’idolâtrie » du pauvre paysan cinghalais est digne d’un colon anglais. « Mais dans cinquante ans, dit-il, tout cela aura bien changé ; — les chemins de fer ont déjà fait beaucoup de bien, devant eux le pays sauvage le. — A Colombo, nous voudrions fonder une